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Les moulins d'hier et d'aujourd'hui
Les moulins constituent, au même titre que les châteaux, les églises ou les maisons, des éléments de notre patrimoine. Le Pas-de-Calais en a possédé plus de 1 500 au XIXe siècle. Beaucoup ont disparu du fait de la mécanisation et des guerres.
Les moulins à eau, qui ont été moins nombreux que ceux à vent dans notre département, sont actuellement les mieux préservés au long des cours d’eau comme la Canche, l’Authie, l’Aa ou la Scarpe. L’industrialisation et l’urbanisation ont fait disparaître la plupart des moulins à vent ; ceux qui subsistent sont visibles surtout dans le nord-ouest du Pas-de-Calais.
À travers l’étude des moulins, c’est toute une civilisation qui ressurgit, civilisation rythmée par les éléments naturels : l’eau et le vent. Les moulins permettent de présenter l’ensemble des activités humaines depuis le Néolithique avec les découvertes archéologiques des premières meules jusqu’auXiXe et XXe siècle, époques pour lesquelles les archives conservent le plus de traces.
Ce parcours retrace l'histoire des moulins du Pas-de-Calais, des premières traces apparues lors de fouilles archéologiques jusqu'à la présentation et la restauration de quelques emblématiques de notre territoire.
Au XVe siècle, les Français percent le secret de la fabrication du papier et les premiers "papieurs" installent alors leur atelier dans des moulins le long de l’Aa. Du Moyen-Âge à la Révolution, quelques moulins produisent à Hallines du "papier gris" ou "gros papier" destiné à l’emballage.
Au XVIIIe siècle, le seigneur d’Hallines, François Joseph de Lens, possède un château entouré de fossés dans un grand parc arboré le long de l’Aa, et sur l’autre rive, un moulin à eau qui produit de la farine, dont quelques vestiges subsistent dans le moulin actuel.
Un meunier, Jacques Lemoine, loue le terrain voisin pour y bâtir un second moulin produisant de l’huile et du papier et fait creuser une fausse rivière pour y amener l’eau de l’Aa. Sur cet ilot, les deux moulins vont tourner plus de 150 ans.
Le seigneur d’Hallines meurt sans enfants, ses biens sont alors rachetés par la comtesse de Sandelin mais la Révolution impose la vente des moulins en tant que bien nationaux. Les propriétaires se succèdent et l’un d’eux, un marchand de Dunkerque, modifie le site en 1794 pour y produire du tabac.
Auguste Dambricourt rachète le château d’Hallines en 1848 et les deux moulins. Isidore Pidoux va alors les exploiter suffisamment longtemps pour que son nom reste attaché au lieu. Il y installe une filature en 1850. En 1864, Auguste Dambricourt fait des travaux sur le vannage, la roue et le bâtiment afin de s’adapter au nouveau règlement d’eau.
Une nouvelle roue est implantée, une roue "Sagebien", qui tient son nom de son créateur. Elle est conçue pour les chutes d’eau basses et utilise le poids de l’eau plutôt que sa vitesse, les pales incurvées permettent de réduire le choc de l’eau. La roue a alors une hauteur égale à 6 fois sa chute d’eau, doit 6,60 mètres et une largeur de 5 mètres. La roue est encagée dans son bâtiment et couverte d’un plafond à voutains de brique reposant sur des poutrelles métalliques.
Le moulin Pidoux restera un moulin traditionnel spécialisé dans la fabrication de papier à la forme (feuille à feuille) employant une cinquantaine d’ouvriers. Le papier de luxe ainsi produit sert aux registres de l’administration, à l’imprimerie nationale (jusqu’en 1919) et aux artistes (Van Gogh ou encore Pissarro).
La fin du papier et la réhabilitation du moulin
Au lendemain de la Grande Guerre, la production déjà ralentie se limite à la pâte à papier et ferme en 1933. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands y installent une turbine afin de produire de l’électricité. Puis le site reste à l’abandon et perd une partie de ses bâtiments dont le deuxième moulin. En 1980, il est vendu comme résidence à un particulier.
En 2016, Mélanie Cattez et Vivien Lombard font l’acquisition du site et engagent un projet de préservation et l’implantation d’une production hydroélectrique. Après deux années de travaux, la production démarre en 2019 et permet de produire l’énergie électrique annuelle équivalente à la consommation de 50 à 60 habitations. Le site a aujourd’hui vocation à sensibiliser aux moulins et à leur devenir, le pari de sa réhabilitation est réussi.
À l’image du moulin d’Hallines, les moulins à papier se sont beaucoup concentrés dans la vallée de l’Aa, même si on en a aussi retrouvé près d’Arras au début du XVIIIe siècle et dans la vallée de la Canche au XIXe siècle.
Moulin_Hallines_1Q_1929
Estimation du moulin à huile et à papier d'Hallines, an III. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 Q 1929.
Estimation du moulin à huile et à papier d'Hallines, an III. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 Q 1929.
En 1800, la fabrique d’Hallines, deux papeteries se sont installées à Wizernes, dont la papeterie Choquet qui comprenait six cuves et fabriquait du papier blanc. Gondardennes s’était spécialisée dans les papiers communs et Assinghem dans les papiers d’emballage. La production totale de ces cinq fabriques atteignait 2000 kg par jour. Ces usines ont été rachetées par MM. Dambricourt frères, en 1900, la production s’élevait à 40 000 kg par jour. On compte que 40 % des moulins du bassin de l’Aa ont fabriqué du papier. La fabrique la plus importante était celle de Blendecques.
Principales papeteries en 1900 :
Avot à Lumbres et Wavrans : papier d’emballage,
Avot-Macaux à Ouve-Wirquin : papier d’emballage,
Avot-Vallée à Blendecques et Westhove : papier d’emballage et carton,
Bouvart-Vigreux à Nielles-lès-Bléquin : papier d’emballage,
Canonne-Vershave à Lumbres et Setques : papier d’emballage et carton,
S.A. des Cartonneries de Gondardennes à Wizernes : carton,
Denis-Vaneslandt à Merck-Saint-Liévin : emballage,
Laligant à Maresquel : papier journal,
Pigouche-Bonnière à Quiestède : cartonnerie,
Sagot-Avot à Wavrans : emballage,
Senlecq à Fauquembergues et Saint-Martin d’Hardinghem : emballage,
S.A. Dambrcourt frères à Wizernes : vergé, velin, lettre, bulle et journal (une des plus importante de France dans ce domaine).
Fonctionnement
D’après les spécialistes de l’époque, l’implantation d’un moulin à papier nécessitait des conditions particulières : une eau pure et limpide, un climat doux et tempéré. L’eau ne devait pas geler l’hiver, ni tarir l’été. Les moulins à papier devaient aussi être installés loin des villes, car l’habitant y trouble sans cesse l’eau d’une rivière en y jetant mille ordures
. Mais la proximité d’une ville était nécessaire pour trouver à la fois les vieux chiffons et une clientèle pour écouler le papier/
Les moulins à papier présentaient toujours le même plan : une salle des piles, où des piles à maillets garnis de clous et actionnés par un arbre à cames, mû par la roue hydraulique, déchiquètent les chiffons préalablement découpés et mis à pourrir pendant une à deux semaines ; une salle des cuves où la pâte qui provient de la salle des piles est versée dans une cuve, puis chauffée avec de l’eau. La pâte qui en sort permet la fabrication de feuilles de papier grâce à des formes et à des flottes. Ensuite ont lieu le pressage et le séchage au second étage.
Le XIXe siècle a connu deux transformations importantes, la première a été l’introduction de la machine à papier mécanique inventée par Robert. La machine a été installée à Maresquel en 1830, à Wizernes en 1834 et à Lumbres en 1840. La seconde invention a été l’utilisation de succédanés de chiffon ; en 1860, on a utilisé des pailles traitées pour remplacer le chiffon défilé, puis le bois râpé à partir de 1880. Ces succédanés ont permis de faire baisser les prix de fabrication et de vente et d’augmenter la production. Deux moulins fabriquaient le bois râpé à Aubin-Saint-Vaast (1883) et à Beaurainville (1891).
Transcription du procès-verbal de consistance et estimation du moulin à huile et à papier d'Hallines
Procès-verbal de consistance et estimation de bien confisqué sur l’émigrée Marie-Josèphe Sandelin, veuve de Pierre Sandelin, ex-comtesse de Fruges, cy-devant domiciliée à Saint-Omer
L’an troisième de la République française une et indivisible le dixième jour de nivôse
En exécution de la commission à nous donnée par le directoire du district de Saint-Omer, département du Pas-de-Calais en datte du cinq vendémiaire de l’année dernière, nous Jacques-Joseph Winocq Picquart, ancien cultivateur, et Pierre-Charles-Louis Raulin-Garnier, arpenteur, commissaires experts soussignés demeurans en la commune de Saint-Omer, assistés et accompagnés des citoyens Jean-François Delpierre, maçon, et Louis-François-Joseph Brisbout, charpentier demeurant audit Saint-Omer, experts dudit district pour l’estimation des bâtiments aussi avec nous, soussignés, nous sommes transportés accompagnés des officiers municipaux de la commune d’Hallines par nous requis à cet effet, sur un bien national composé de cinquante verges de terre à usage de manoirs amazé de maisons et autres bâtiments, avec un moulin à eau construit sur la rivièred’Aa à usage de battre l’huile et fabriquer le papier et jardin légumier, situées sur le territoire de laditte commune d’Hallines, lequel bine provient pour la nue propriété de l’émigrée Marie-Joseph Sandelin, veuve de Pierre Sandelin, ex-comtesse de Fruges cy-devant domiciliée à Saint-Omer, et est exploité en totalité […]
Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 Q 1929.
Le moulin Pidoux en 1936
Le moulin Pidoux d’Hallines en 1970
Vue aérienne du moulin Pidoux d’Hallines en 2018
La roue restaurée, 2019
Vue amont du moulin, 2019
Estimation du moulin à huile et à papier d'Hallines, an III. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 Q 1929.