L’histoire de l’ USA Liévin ressemble à un conte de fées : alors que l’athlétisme est traditionnellement réservé à l’élite (d’abord britannique, puis française à partir du XIXe siècle), de jeunes mineurs décident de former un club d’athlétisme au sein de la fosse , sous les rires et les quolibets de tous. Pourtant, à force d’efforts et d’obstination, les athlètes "in loques ed’fosse", comme on les appelle, se hisseront sur les podiums des championnats régionaux.
La "Saint-Amé" de Liévin
En 1921, la Compagnie des mines de Lens crée une école et une société de gymnastique, de sports et d’armes dans le quartier de la fosse n° 3 de Lens, dit de Saint-Amé (situé à Liévin). Jules Vézilier, jeune instituteur féru de sport, encourage ses élèves à intégrer le club, plus communément appelé la Saint-Amé, où il développe également la pratique du basket-ball.
Vingt ans plus tard, les Allemands occupent le territoire. La Saint-Amé attire toujours autant les jeunes de la fosse, les clubs de basket-ball et de gymnastique connaissent un énorme succès . Il faut dire qu’en zone occupée, les activités de loisirs sont plutôt rares, pour ne pas dire inexistantes. De plus, le sport rassemble ces jeunes (beaucoup sont fils d’immigrés) et facilite leur intégration grâce notamment au sentiment d’identification, individuel et collectif, que confère l’appartenance à une "équipe".
C’est alors que Jean Brand fait part à Jules Vézilier (devenu entre temps directeur de l’école et président de la Saint-Amé) de sa volonté de créer une équipe de cross- country . Jules Vézilier accepte, tout en se montrant pour le moins sceptique.
N’ayant ni moyens ni équipement, les mineurs et les jeunes commencent à s’entraîner dans les rues de la cité, parfois tard le soir, tout en prenant soin d’éviter de croiser une patrouille. Les habitants s’habituent à voir passer les "Ours", vêtus de maillots blancs rayés de bleu et de culottes souvent taillées dans de vieux pantalons de travail.
Premiers succès des Ours
En 1943, un an seulement après leurs débuts officiels, la section athlétisme de la Saint-Amé remporte son premier championnat départemental de cross cadets et juniors . L’année suivante, elle présente une équipe seniors aux championnats de Flandres de cross-country. Devant la stupéfaction générale, les crossmen de la fosse n° 3 arrivent en tête. Ce sera le début d’une longue série de victoires, puisqu’ils seront 34 fois champions, dont 25 consécutivement (jusqu’en 1981).
Au sortir de la guerre, les Ours de la Saint-Amé se rapprochent des Écureuils de l’US Liévin (le club sportif du centre-ville) et créent l’USA (union des sports athlétiques de Liévin). Une nouvelle ère s’ouvre pour les athlètes mais pourtant, durant douze ans, l’ USA continuera d’être présentée comme Union Saint-Amé de Liévin lors de cross nationaux. Le petit club avait gagné ses lettres de noblesse et forcé l’admiration de tous.
Comme d’autres cités minières, la nationalisation des Houillères en 1946 leur ouvrent de nouvelles portes, avec l’obtention d’un budget et d’un lieu d’entraînement à Rollancourt.
La consécration de 1968
Le club continue de former des athlètes de haut niveau , comme le prouve le palmarès de Jean-Pierre Dufresne ; arrivé en cadets, le jeune homme s’entraîne avec acharnement et les résultats ne se font pas attendre. En 1967, il détrône Michel Jazy en établissant un nouveau record de France sur 800 mètres et se qualifie aux préliminaires des jeux olympiques de Mexico, où il est donné comme favori. Il est toutefois éliminé en demi-finale mais, la même année, il apporte à son club le titre de vice-champion de France de cross-country. En 1971 et 1972, il devient double champion de France du 1 500 mètres.
L’histoire de ce club local et les résultats obtenus depuis sa création ne sont sans nul doute pas étrangers au choix de Liévin pour l’implantation du stade couvert (inauguré en 1986 par Laurent Fabius). En 2011, il a accueilli le meeting international d’athlétisme.
Michel Jazy. Médaillé d’argent à Rome en 1960.
Michel Jazy naît le 13 juin 1936 à Oignies dans le bassin minier. Ce fils d’immigré polonais quitte cependant rapidement les terrils, puisque sa mère s’installe à Paris lorsqu’il a 10 ans. Il découvre l’athlétisme durant son adolescence et se passionne pour cette discipline requérant un mental de fer.
Quadruple champion du monde en 1965, il compte également à son palmarès un double titre de champion d’Europe (sur 1 500 mètres en 1962 et sur 5 000 mètres en 1966) et une médaille d’argent aux Jeux olympiques de Rome en 1960.
Au cours de sa carrière, il bat neuf records du monde, 17 records d’Europe et 51 records de France sur diverses distances (mile, 2 000 mètres, 3 000 mètres, 2 miles) !
Il met fin à sa carrière en octobre 1966, établissant à cette occasion le record du monde du 2 000 mètres. Élu champion des champions français par le journal L’Équipe en 1960, 1962 et 1965, il demeure aujourd’hui une légende de l’athlétisme tricolore.