Pour clôturer notre rubrique estivale consacrée au football, le document choisi aujourd’hui offre un
coup de projecteur sur les supporters
, souvent confinés dans l’ombre de leurs champions. Ces anonymes véhiculent pourtant à eux seuls les plus belles valeurs portées par le sport : unité, loyauté, communion et passion.
En 1976, le trophée de la Ligue nationale de football consacre
les supporters lensois "meilleur public de France"
. Cette distinction alimente abondamment les colonnes de
Sang et Or. Bulletin périodique officiel du Racing club de Lens et du Supporter’s club lensois
, porte-parole officiel du club de supporters.
Les archives du Pas-de-Calais conservent de nombreux numéros de cette collection qui, en soixante ans, a connu autant de hauts et de bas que son équipe fétiche.
Sang et Or , sous l’égide de la société des mines de Lens
Créée en 1906, l’équipe de football lensoise passe sous la houlette de la puissante société des mines de Lens en 1934. Celle-ci souhaite faire du club un maillon essentiel de sa politique sociale et de communication . La même année, le stade Bollaert est inauguré et l’équipe "autorisée" à recruter des joueurs professionnels. Le Racing club de Lens s’apprête à pénétrer dans la cour des grands.
Il faut néanmoins attendre 1937 pour que le club entre en première division et accède au championnat de France de football. Lorsque sort le premier numéro de Sang et Or , le 22 août 1937 , les footballeurs-mineurs s’apprêtent à affronter le champion en titre, l’Olympique de Marseille.
Ce bulletin remplace le programme, vendu avant chaque match, et qui présentait les équipes en compétition. Il est fondé et géré par Victor Roulland, un inspecteur du personnel et gérant de la coopérative des mines de Lens, qui a accédé en 1933 au secrétariat général du Racing club pour faciliter la transition vers le statut professionnel.
De format 31
x
46 cm,
Sang et Or
comprend quatre pages, présentées sur trois colonnes. Sa têtière est illustrée d’un dessin du stade, sur fond de chevalet de mine. Le lien avec la société des mines est revendiqué. Si l’objectif annoncé est de vouloir créer
un trait d’union [entre les] supporters, les amis du Racing et les fidèles habitués de notre stade
, la volonté de propagande et de promotion d’une image de marque transparaît assez rapidement. Vendu à l’entrée du stade les soirs de match, il est également proposé à l’abonnement et donne le droit de participer à une tombola gratuite dotée de plusieurs lots dont le ballon du match.
Un "trait d’union" entre les supporters
Dans le premier numéro, le président du Racing club, Louis Brossard (également ingénieur à la société des mines) présente le bulletin :
[…] Un club ne vit pas seulement des résultats de ses équipes, il vit surtout de la bonne harmonie et de la compréhension mutuelle de tous ceux qui gravitent dans son champ d’action : joueurs, dirigeants, amis, supporters, foule sportive heureuse d’applaudir aux succès de ses favoris, mais aussi heureuse de sentir qu’elle fait partie de cette grande famille qu’est son club, qu’elle est un des éléments de son activité et que tout ce qui le touche lui est sensible à elle aussi.
[…] Et c’est pour resserrer le coude à coude de tous ceux qui contribuent ainsi à former notre Racing qu’a été créé Sang et Or, organe dont les prétentions sont modestes, mais qui reflétera avec la plus grande sincérité la vie de notre club.
[…] Son unique désir est de vous être agréable, il s’efforcera de rester toujours à la page, de satisfaire votre légitime curiosité, retraçant non seulement l’activité de notre équipe fanion, non seulement en vous parlant des grandes rencontres dont le stade Bollaert sera le théâtre, mais en vous mêlant de plus près à tout ce qui touche à nos différentes équipes et en particulier à nos jeunes trop souvent oubliés.
Les rubriques proposées, récurrentes, sont en effet variées. Elles offrent des comptes rendus de matchs et ponctuent les victoires par quelques phrases tirées de la presse sportive, annoncent les rencontres à venir, brossent les portraits des dirigeants et des joueurs, remontent enfin toute nouvelle susceptible d’intéresser les supporters.
L’audience de Sang et Or démarre en douceur, mais ne cesse de progresser avec le temps. L’absence de données statistiques sur le nombre d’exemplaires vendus à l’entrée du stade empêche une appréciation définitive, mais selon les chiffres fournis par le périodique, le nombre d’abonnés augmente d’années en années. En 1938, la têtière se pare de couleurs pour séduire un plus grand nombre.
"Nouvelle(s) série(s)"
La guerre interrompt sans doute le tirage. Le dernier numéro de l’entre-deux guerres conservé aux archives date du 21 mai 1939 alors que le Racing termine septième du championnat et que la saison s’annonce prometteuse.
La collection reprend le 23 octobre 1949 avec la mention "nouvelle série" . Présenté sur quatre colonnes, Sang et Or sort désormais des presses de l’imprimerie de la Lys à Vendin-le-Vieil et est dirigé jusqu’en 1952 par Jean Laval.
Cette nouvelle formule est une c onséquence directe de la nationalisation de la société des mines , dont le processus est entamé par le décret du 13 décembre 1944, et qui débouchera sur la création des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais.
En 1952, Ernest Hernu succède à Jean Laval. Installée dans les Grands bureaux de Lens, la rédaction est alors intégralement confiée au service communication de groupe de Lens-Liévin. Au même titre que le journal Notre mine, Nuit et Jour , illustré mensuel du personnel du groupe créé après les grèves de 1949, Sang et Or est partie prenante de la politique médiatique spécialisée , puisqu’au-delà de ses fonctions premières dédiées au sport, il sert avant tout à unir la "grande famille" minière .
À partir de 1954, la volonté d’intensification des dirigeants transparaît même dans le choix des informations publiées : une nouvelle rubrique annonce les naissances, mariages et décès des adhérents, une autre signale les prix remportés à la tombola du Racing et des chroniques régulières relatent tous les détails des déplacements des sections locales.
Le sport est relégué au second plan, il s’agit davantage d’entretenir la fidélité des supporters sous un angle qui dépasse celui du club proprement dit et de poursuivre à travers le supporterisme le processus de moralisation des mineurs .
Jusqu’à la fin des années 1960, le journal paraît régulièrement malgré les changements de titres (il devient en 1959 Sport-mine. Le journal des sportifs de la région lensoise , puis en 1960 Sang et Or : le magazine officiel du RC Lens ). La crise que connaît le club en 1968 provoque un arrêt de la publication. Il renaît sporadiquement à la fin des années 1970, puis plus durablement une décennie plus tard, à l’initiative du club lui-même.
Collection conservée aux archives départementales du Pas-de-Calais
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Sang et Or. Bulletin périodique officiel du Racing club de Lens et du Supporter’s club lensois :
- 22 août 1937-16 juin 1956, PE 42/1 ;
- 1951-1954, 1962- 1er semestre 1965, 2ième semestre 1965-1969, PD 50/1-3 ;
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Sang et Or. Journal du Racing club de Lens et de ses supporters :
- 1982-1990, 1993-1994, PC 671/1-2 ;
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Sang et Or. Magazine du Racing club de Lens :
- 1992-1996, 1997-1998, PC 1139/1-2.