En juin et juillet 2021, les archéologues du Pas-de-Calais ont mis au jour des fortifications anglaises et de nombreux objets dont une couleuvrine (une pièce d'artillerie) datant du 16ième siècle. Cette fouille rue du Petit Moulin à Guînes précède un projet de construction d’un béguinage et de logements par Habitat Hauts-de-France.
Guînes, deux siècles d’une histoire anglaise
Lors de la guerre de cent ans (1337-1453), les Anglais s’emparent de Calais en 1347 et prennent possession de l’arrière-pays calaisien. Guînes résiste jusqu’en 1352 avant de devenir anglaise. Les Anglais fortifient Guînes au début du 16iéme siècle avec des remparts et des ouvrages conçus pour résister à l’artillerie.
En 1558, Guînes est reprise par l’armée française après la capitulation des Anglais. Les fortifications sont immédiatement détruites. Une profonde réorganisation de la ville s’ensuit.
Le moulin à aube
Dans le secteur de l’une des tours fortifiées, un moulin à aube s’est rapidement installé sur le batardeau pour bénéficier du petit canal. Une source écrite fait mention du moulin pour la première fois en 1584.
Vue aérienne prise en 2012 avec l’emprise de la fouille (en rouge), le moulin et les bâtiments attenants à celui-ci ont été détruits juste avant le diagnostic archéologique de 2018. Néanmoins, les fondations composées d’une combinaison de briques et de moellon de grès ont pu être observées. Elles reposaient directement sur les maçonneries arasées du bastion et du batardeau.
Restitution de l’implantation du bastion de Guînes
Les archéologues ont mis au jour les vestiges d’un bastion d’angle de 500 m², des portions des murs fortifiés (des courtines) et un batardeau (un barrage). La position avancée du bastion par rapport au mur fortifié est plus adaptée à une défense contre l’artillerie adverse. Ce type d’ouvrage a vraisemblablement inspiré un siècle plus tard les fortifications de « Vauban ».
Proposition de restitution.
Le bastion
Vue zénithale sans légende.
Pour résister aux tirs d’artillerie des adversaires, les Anglais construisent des murs épais (6 m de large). Les murs sont composés d’un blocage de cassons de craie et de brique, l’ensemble est habillé par d’épais coffrages en brique rouge. La brique rouge est un matériau de construction atypique pour ce type d’édifice à cette époque. Un même mortier sableux à chaux a été employé pour lier l’ensemble des fortifications.
Un escalier descend vers un réseau de salles longitudinales aménagé à l’intérieur des murs (ou maçonneries) du bastion. Elles disposent de niches utilisées pour le stockage, l’éclairage ou l’aération.
Les murs des fortifications
Crédits : CD62/DA/O.Dewitte/Dircom/J.Pouille.
Un mur de fortification se situe au sud-ouest du bastion est perpendiculaire à l’axe du mur partant du bastion et rejoignant une portion du mur dans un autre secteur de fouille au nord-ouest. Cette constatation permet d’en déduire que le bastion est dans un angle. D’une largeur comprise entre 2,30 et 3 m, ces murs aussi appelés courtines ceinturaient (ou entouraient) la ville. Le mode de construction des courtines est identique à celui des murs du bastion.
Des fortifications confirmées par des archives
Crédits : CD62/Dircom/J.Pouille/ Les Archives Départementales du Pas-de-Calais , Lithographie de Charles Lagache, côte 4 J 439/101,
Sur cette reproduction de 1614 de la « Vue de la Ville et du Château de Guînes » vers la fin du 15 ième siècle (d’après un plan de la tour de Londres), le bastion et les murs de fortification semblent avoir quelques similitudes avec les vestiges des maçonneries découvertes par les archéologues.
Le batardeau
Crédits : CD62/DA/O.Dewitte
Le batardeau est un ouvrage destiné à retenir et à réguler le niveau de l’eau d’une douve dans un secteur où la gestion de l’eau est complexe. Le regard servait à visualiser le débit du canal du batardeau. À l’instar d’une vanne, le vantail (un panneau mobile) est coulissé dans les rainures se situant dans le regard pour alimenter en eau la seconde douve.
Des objets à oublier ?
Crédits : CD62/DAO.Dewitte.
Plusieurs objets (compas, clé, vaisselles, boulets, etc.) ont été retrouvés au pied des murs des fortifications ou dans la canalisation du batardeau. Sur la photo, un casque anglais qu’un archéologue sort de l’eau après plus de 450 ans.
Deux hypothèses possibles :
- Soit Les Anglais n’ont rien voulu laisser aux Français au moment de la réédition.
- Soit Les Français ont voulu se débarrasser de toutes traces du passage des Anglais.
La couleuvrine
Crédits : CD62/DA/L.Dewimille.
La découverte d’une couleuvrine avec une partie de sa fixation en bois est exceptionnelle par sa rareté et son état de conservation. Utilisé par l’artillerie, ce canon filiforme a l’avantage d’être simple à manœuvrer dans un bastion. La découverte des objets militaires et de l’architecture des fortifications va enrichir la base de connaissances des archéologues sur les pratiques militaires anglaises.
Les latrines
Crédits : CD62/DA/O.Dewitte.
Au nord-ouest, les archéologues ont mis au jour deux tonneaux en bois reconvertis en réservoir pour les latrines (toilettes sommaires). Elles étaient installées à l’arrière d’une maison qui a été construite après la destruction des remparts au début du 16iéme siècle.
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Dernière actualisation, le 10/11/2021.